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Quel ne fut le choc par contraste quand soudain propulsé dans l’ambiance carcérale de l’école. À l’aune de la sonnerie, un univers de séparation des élèves et du temps pour un usage de la connaissance sectionnée en sujets, tout ceci sous le joug d’une imbécile rigueur aveugle à la différence des dispositions de chacun. L’apprentissage était soudain devenu une nécessité si étrangère que nous devions l’ingurgiter faute d’être taxé de mauvais élève. Le premier jour je pleurais avant tout le monde. Ce n’est que l’après-midi que beaucoup d’autres élèves firent de même. Nous n’avions pas mis longtemps pour sentir, sinon comprendre, l’enfer schizophrénique qui nous attendait et ceci pour l’équivalent d’une éternité. Je ne pleurais pas seulement la rupture avec mes temps de jeux, d’amitié et d’apprentissage mais de la perte d’un système dans lequel m’étais permis d’user de curiosité, de faire mes chemins de découverte et de participer avec les autres, en particulier mes proches et amis, à une éducation plurivalente partagée, chacun apportant sa part de vision, de talent et de perspectives. Une catastrophe.

Je regrette le temps inouï qu’il a fallu pour nous apprendre à fractionner notre savoir.

Je reste convaincu qu’un mur en dresse un autre. Celui qui divise notre perception des choses. Nous sommes aidés en ceci lorsque pris dans le traquenard d’une architecture scolaire commémorant une suite de cloisons érigées dans le but de détruire les liens entre nos parts séparées. Le temps devient une absurdité chronométrée, comme une sorte de rendement d’usine où les quotas doivent être réussis selon des dates basées sur rien d’autre qu’une idée erronée  de la réussite sociale. Nous sommes devenus un bétail scolaire à élever en dissociant nos corps et nos esprits les uns des autres par la séparation des classes, des bancs et d’une idée de la maturité. Culture intensive ou chaque enfant, tel un légume se doit de se conformer à une apparence ajustée à ce que la société attend d’elle.

La cour et la classe par exemple sont un même édifice, dont l’un, sans fenêtres et sans toit, où l’on nous autorise certains jeux - mais manque les outils pour apprendre - et l’autre, avec fenêtres et toit, où l’on autorise certains apprentissages - mais manque les outils pour jouer !

À apprendre ou à jouer j’ai surtout appris la valeur du temps. Un temps principalement gâché.

Dans les années 50 la France sommeille. Du monde enfantin n’existe que l’idée que s’en font les adultes. Mettre au rencard le jeu en le cantonnant à l’enfance et au passé transformera plus tard notre mémoire de nos initiatives juvéniles en celle d’un divertissement. Ne resteront plus alors des projets que ceux guidés par le besoin de survie et de lucre. Dans la rue nous apprenions à jouer ensemble. Ici personne ne joue à nous apprendre. Ces mêmes jeux de rues quant au sein de l’école soudain sont interdits. Comme par exemple comment lutter, s’affectionner, s’estimer, répondre, rire, se choyer, se concentrer, écouter ? Et comment gagner sa vie, en user, ou s’échanger et partager, monter des scénarios et des entreprises ? Jouer comme apprendre sont des loisirs. De ces occupations nous nous instruisons, et avant tout sur notre regard, notre écoute, notre réflexion, notre parlé et nos agissements.

Lors d’années électorales on aborde de façon récurrente la question de l’éducation en ne se bornant qu’à des évaluations  de coût, de nombre d’enseignants et de normes de productivité à la réussite. Mais de quelle éducation parle-t-on ? L’éducation devrait d’abord éduquer le regard, de manière à pouvoir s’affranchir de celui transmit par la routine et le banal.
Anecdote lors de mon expérience d’animateur. Deux collègues en conflit. Cette nouvelle animatrice s’insurge que les enfants peignent les plantes autrement que vertes ! Me voilà à diplomatiquement objecter cette vision hémiplégique. Si elle veut enseigner des points de repère généraux tels que le principe de photosynthèse soit mais alors qu’elle informe les enfants dans le même mouvement de la diversité des réalités. Car bien entendu les plantes sont loin d’être toutes vertes quand même à moins d’être daltonien ! Et artistiquement elles se doivent d’être aptes à adopter l’éventail total des couleurs.
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