On ne souffre pas de ce que l’on n’a pas réussi à obtenir. On souffre de ne pas être, et de l’absurde négation des évidences. Évidences certes jamais totalement absorbées, car, comme par exemple l’existence de l’espace, elles proviennent du domaine de ce qui nous dépasse. C’est ainsi que l’on appréciera plutôt les possibles car elles sont les caractéristiques humaines du désir, cette séduction comme expérience sensuelle de l’espoir. Ainsi toute évidence est énigmatique. On peut infiniment raisonner mais par conséquent ne jamais conclure. Contentons- nous donc d’abord d’apprécier. Par exemple en apprenant à lire dans le visage de l’autre. Le visage est un patrimoine qui se dévoile le long de l’enfance, progressivement, comme s’il voulait parcourir de nouveau toutes les étapes d’une intelligence héréditaire. Être ému par lui c’est instinctivement reconnaître l’histoire de générations qui l’ont forgé. Sa beauté se traduit par une compréhension atavique de l’agencement des formes et des contours propres à chaque décision d’existence de son code génétique. Nous sommes ce visage et participons à la compréhension de ce reflet différencié de nous-mêmes.
Le visage est le passé transformé en géographie.
Par la suite il se révèle progressivement par la densité du vécu. En cela une vie n’est jamais de trop pour sillonner les parcours et détours d’une frimousse.
Et dans ce visage le sourire prend une place vitale. Conjurant la pesanteur, cet estompage du temps nous accorde un renouement avec l’archivage de nos traits. C’est le principe d’amour. L’affection envers une physionomie.

De sa rencontre avec le chat du Cheshire Alice constate avoir vu beaucoup de chats sans sourires mais jamais de sourires sans chat. N’est-ce pas le propre de l’homme que de sourire. Ne contient-il pas cette perspective intelligente compilant bonheur, approbation et humour ? On l’imagine universel, bien que plein de teintes nuançant l’éventail des bonnes intentions, ainsi que quelques petites hypocrisies. Il est l’indicateur de la multitude des caractéristiques de la perspicacité. Nous sommes capables d’étudier nos empreintes digitales, l’iris ou le code ADN, mais pour saisir un profil seul notre visage animé en possède la richesse informative. En voici quelques preuves : un sourire peut être entre-autre radieux, triomphant, nostalgique, plein de perspective, intelligent, humoristique, spirituel, jaune, sceptique, condescendant, âpre, inquiet, éploré, étonné, hystérique, sadique, nonchalant, digestif, nerveux, soupirant, languissant, sensuel, érotique, animal, ironique, narquois, espiègle, amical, amoureux, complice, joueur, bête, absent, fatigué…mais toujours une réponse.