COMMUNAUTARISME ET ALTRUISME
S’associer à un groupe, s’identifier à un groupe prend son sens si dans le but d’un partage vital pour la survie de ses individus. Par conséquent l’acte d’aimer un groupe c’est reconnaître les vertus de cette association. La pulsion primale et fréquente chez les humains de haïr un groupe différent est un paradoxe puisque au contraire il renie ces vertus d’association. Pour assumer ce paradoxe on prétendra, on se persuadera que tel groupe s’est associé d’une manière propre à constituer un danger pour le nôtre. Nous aurions pourtant pu travailler à voir si dans la différence entre nos deux groupes il n’y avait pas des opportunités pour une association plus bénéfique puisque plus large dans ses possibilités.
Mais qu’est-ce qui permet de telles associations ? Considérons l’altruisme par rapport à l’égoïsme. L’égoïsme, l’amour de soi, notre individualité et notre spécificité, et l’altruisme, caractérisé par des actes à priori désintéressés mais bénéfiques à d’autres, sont les deux facettes d’une entreprise de survie. L’égoïsme seul est aveugle à sa nécessité des autres. L’altruisme seul est aveugle à la nécessité de soi. J’imagine que l’altruisme siège de façon primitive dans notre pulsion à la symbiose et à la complémentarité. Si le code ADN permet à nos organes de collaborer il doit y avoir un même réseau universel de conservation des espèces nous poussant à nous associer.
On protège d’abord l’intégrité de son corps puis celui de ses proches puis celui de sa communauté ceci dans la mesure où ces liens externes sont bienveillants. S’ils ne le sont pas – si on favorise le malveillant du moment qu’il appartient à sa communauté il y a aliénation de l’interprétation même du principe de préservation. On préfère alors, par malveillance, l’anéantissement d’un groupe tant que l’on est persuadé que le nôtre nous protège.
Toute communauté cherche à s’approprier un territoire ainsi qu’une idée du fonctionnement du monde. En cessant de considérer l’égoïsme et l’altruisme comme simplement des vertus morales mais essentiellement des fonctionnements de survie nous pouvons alors considérer que pour la part altruiste de l’individu le territoire et son principe sont universels et écologiques alors que pour la part égoïste de l’individu le territoire et son principe sont locaux et dialectiques.
Plus une société réussit à assumer de diversité, plus elle est à même de survivre. Une vue à long terme et sur un territoire plus vaste donne de meilleurs moyens quant à cette survie. Elle permet le partage, l’échange. Quand dominée par la tradition elle subit les effets des décisions à court terme et du rendement le plus rentable sans se soucier des discordes entre les populations et son coût. Le groupe n’est efficace que dans la mesure ou les différences de ses membres sont appréciées et utilisées. L’universalité n’est pas la mondialisation, une sorte de norme mono identitaire. Elle représente un principe de collaboration d’individus ou de coopération régionale.
Qu’est-ce qui détermine nos amitiés et nos inimitiés envers l’autre ? Y a-t-il des lois ? Prenons l’exemple des trois lois érigées par Isaac Asimov concernant les robots :
un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu'un être humain soit exposé au danger ;
un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi ;
un robot doit protéger son existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.
Le robot étant une extension de nous-mêmes, si l’on considère que par son allégeance aux ordres qui lui sont donnés il participe du principe de survie de l’espèce humaine, et s’il fallait trouver trois lois humanitaires correspondantes, on peut envisager que le critère concernant l’obéissance pourrait devenir celui concernant le partage. Le partage étant par essence vital pour la survie de l’espèce et par conséquent pour la survie de l’individu. Nous obtiendrions ainsi :
un humain doit protéger son existence ;
un humain ne doit pas porter atteinte à un autre être humain ni, en restant passif, permettre qu’un autre humain soit exposé au danger tant que cette attitude n'entre pas en conflit avec la première loi ;
un humain doit partager avec un autre humain tant que ce partage n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.
Ici il est stipulé que nous pouvons partager dans la mesure où ce partage ne fasse pas de mal à une autre personne. Dito pour une communauté vis-à-vis d’une autre. Principe universaliste.
Mais dans la réalité historique il arrive souvent que la troisième loi domine sur la deuxième. Nous obtenons alors ceci :
un humain doit protéger son existence ;
un humain doit partager avec un autre humain tant que ce partage n’entre pas en conflit avec la première loi ;
un humain ne doit pas porter atteinte à un autre être humain ni, en restant passif, permettre qu’un autre humain soit exposé au danger tant que cette attitude n'entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.
Ici est stipulé qu’une personne peut anéantir une autre personne afin qu’elle puisse survivre en partageant. Principe communautariste.
Si l’on met la loi du partage comme première loi nous obtenons l’anéantissement de l’individu pour une cause supérieure. Principe autoritaire.
On voit bien que selon l’ordre des lois, de la prépondérance de l’une vis-à-vis des autres, nous est offert des choix conduisant à des résultats très différents. Par conséquent il n’existe pas de lois universelles intangibles mais bien des alternatives nous permettant les combinaisons les plus adaptées aux circonstances pour des choix les plus efficaces. Il n’y a pas de vérité fondamentale mais plutôt des opportunités pour fédérer nos vues. Question de perspicacité.