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Dans le film de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade « vers un monde altruiste » des scientifiques issus de disciplines aussi différentes que la psychologie, la primatologie, les mathématiques ou les neurosciences constatent par différents tests que, de façon innée, le primate, le nourrisson comme l’enfant, spontanément aideront leur prochain. Par contre si, pour le même geste altruiste, l’enfant se fait rémunérer il sera moins enclin dans le futur à offrir son aide bénévolement. Également, si, une fois placé devant une situation où deux ours en peluche se comportent, l’un de façon amiable, et l’autre de façon cruelle, l’enfant quand confronté par la suite au choix de ne pouvoir offrir qu’à l’un d’eux, choisira celui amical. Par contre l’enfant choisira celui le plus proche émotionnellement même si celui-ci est antipathique. Néanmoins est également démontré qu’après quelques sessions de médiations des classes « difficiles » commenceront à mieux partager entre elles plutôt que de choisir d’abord leurs amis.

Je n’imagine pas André Breton faisant l’apologie de la violence autrement que pour l’affirmer au nom d’une cause qu’il aurait nommée probablement comme « poétiquement révolutionnaire ». Celle, à mes yeux, typiquement Française que l’on retrouve par exemple dans les intransigeances verbales et suicidaires du comité de Salut Public et chez les situationnistes. Ces démonstrations verbales ayant pour les membres conduits à des exclusions mutuelles ont certes parfois fini avec des têtes coupées mais je ne me représente pas Breton allant à ces extrémités.

La violence est en nous, les prédateurs, mais le jeu des relations permet le choix autant de s’y soumettre que de s’en libérer. L’exclusion est une violence si cela concerne les autres mais me semble bénéfique s’il s’agit d’exclure ce qui entre nous empêcherait un rapport bienveillant et constructif.

Je crois qu’André Breton avait ce souci du regard que l’on porte sur les choses et les êtres et c’est sans doute ce type d’appréciation qui pouvait l’amener à être fasciné par une certaine mise en scène de la violence. Il prétend qu’invité à retrouver Jacques Vaché à la première de la pièce de Guillaume Apollinaire, Les Mamelles de Tirésias, il le retrouve déguisé en officier anglais, revolver au poing, sommant de faire cesser la représentation, qu'il trouve trop artistique à son goût, sous menace d'user de son arme contre le public. Breton serait parvenu à le calmer.

Et puis il y a cette violence comme système d’autodéfense. Raoul Vaneigem rapporte cette histoire :
 « la nouvelle innocence implique la destruction d'un ordre de choses qui n'a fait qu'entraver de tout temps l'art de vivre, et menace aujourd'hui ce qui reste d'authenticité vécue. Je n'ai nul besoin de raisons pour défendre ma liberté. À chaque instant le pouvoir me place en état de légitime défense. Dans ce bref dialogue entre l'anarchiste Duval et le policier chargé de l'arrêter, la nouvelle innocence peut reconnaître sa jurisprudence spontanée :

    - Duval, je vous arrête au nom de la loi.
    - Et moi je te supprime au nom de la Liberté. »

Concernant l’authenticité du vécu, Adrien d’interjeter :
« De cette période, ce qui se dégage chez moi, c’est l’ennui, profond et gris comme la solitude. Dernier de six enfants, je n’avais que peu de relations avec les plus âgés, près de 20 ans me séparant de ma sœur aînée qui, du reste, n’a pas été élevée à la maison. Un dernier pour la route ! Bien sûr, il y avait les copains, mais est-ce suffisant pour se former ? Lors des leçons de géographie notamment, j’avais de grandes difficultés pour réaliser à quoi pouvait bien ressembler la mer, la campagne, la montagne, les animaux, ce que les allées et venues autour d’immeubles en patins à roulettes près de la prison de la Roquette ne pouvaient m’enseigner. J’ai vu la mer réellement à 12 ans et ce qui ressemble à du vert bien après ma majorité.
 
 
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