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029

Nous sommes au fond du verger. Se retournant elle me demande tranquillement « As-tu déjà vu le cul d’une fille ? ».
… ?...
C’est bête mais me manque, juste là, le courage de l’innocence, pour concilier cette offre de complicité à un mystère avec cette trivialité soudaine.
« …non… »
« Tu aimerais voir ? »
« ………..Un peu………. »

Nul de chez nul. Je suis anéanti par l’aspect en même temps comique et grave. Je ne sais absolument pas quoi faire. Alors je me tourne vers la maison appréhendant (et espérant peut-être) la proximité parentale qui pourrait très sérieusement compliquer les choses (et clore l’embarras).
Puis je reporte brièvement le regard vers elle. Mais je ne vois, dans la pénombre, que deux très longues jambes fines et écartées avec au centre, à la jonction, sa tête à l’envers qui de ce triangle pensant me demande :

« est-ce que tu vois bien ? »

Pour être poli je lui dis oui. Alors que je n’ai rien vu. Car le temps d’un second regard furtif vers la maison elle s’est de nouveau redressée et rhabillée ravie de sa malicieuse audace.

Merde.

Et je n’oserais pas redemander à l’adorable tragédienne une seconde performance. J’espère que son geste contenait la nécessaire intelligence espiègle pour ne pas interpréter ma timidité comme de l’indifférence.


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ÉCOLE COMMUNALE RUE LÉON-FROT /ANNÉES 50 – LYCEE VOLTAIRE /ANNÉES 60 –  XIe ARRONDISSEMENT –   SÉPARER CE QUI DEVRAIT S’ASSEMBLER

Comment ont-ils réussi à me séparer d’elles - de cette part en moi constituant l’étendue fertile des complicités et des échanges, au profit de ce qui prétend se présenter par son négatif - le sexe opposé ?

Alors que je n’ai jamais demandé autre chose que de continuer à jouer. Et ce faisant, d’y inclure progressivement les nouveaux outils de nos métamorphoses érotiques.
Divorcés de nos consœurs, le lycée de garçons se vit comme l’émasculation d’une part de nous-mêmes. Comme s’il fallait faire revivre cette saga du paradis perdu. Les censeurs se prennent-ils comme le propriétaire du jardin d'Éden ? Ont-ils honte comme le furent Adam et Ève ? Je suppose que l’on doit se réjouir que nos copines ne soient pas forcées de porter le niqab mais un voile s’est imposé entre nos deux cours. Dans ces enclos de séparation, où l’on s’évertue au désapprentissage, s’organise prestement l’échange des parures. On se divise rapidement entre malhonnêtes et timides. La qualité des propos se réduisant à la reproduction de ce qui subsisterait après une attaque cérébrale collective, chacun est évalué à sa capacité à se conformer au rôle le plus réducteur. Tandis que règne les affirmations les plus insipides, dans le stalag des genres on affirme qu’il n’existe que ceux qui draguent et ceux qui pensent…draguer ?
On perd à choisir.

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