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RE-PRENDRE SON TEMPS

Force m’est de constater : le temps se raccourcit. Tout le monde de le dire d’ailleurs. Je me souviens encore récemment de ces heures éternelles, avant l’épisode adolescent où déjà tout alors se mit à se précipiter, sans aucun doute due à l’implacable ennui – celui de nos incapacités à accéder encore à nos autonomies - celui donc que l’on oublie et qui participe à ce tassement temporel. Je me souviens aussi alors de ma taille, et implicitement de l’angle de mon point de vue.
Je m’assois donc au sol.
La dimension des volumes retrouve de son ancienne solennité. Ce phénomène de contre plongée amplifiant les proportions me fait renouer avec l’enchantement que notre regard d’enfant portait sur les objets. Et comme tout moment de contemplation apparaît comme un petit instant d’éternité le temps s’allonge.
Retrouver sa durée ne nécessite qu’une récupération de l’horizon de notre vision enfantine.
Et se réapproprier du temps c’est lui redonner cette valeur donnant un sens à celle de notre existence.
Prendre du temps nous libère de celui qui nous fuit. Donner de la valeur à notre temps nous renvoie aux alternatives qui nous furent offertes avant que soucis matériel, moral et métaphysique de l’avenir nous aliènent de notre présent.

LES TOMBES PRÉMATURÉES

Pris d’un frisson il était coutume en Angleterre d’affirmer que l’on avait marché sur votre stèle. On évoquait ainsi, sinon notre précarité (ou notre résilience), plutôt le mystère de notre présence.
De faire face à l’idée de notre disparition redresse la perspective de notre existence, lui restituant son envergure exceptionnelle.
Les tombes prématurées, métaphore d’une inhumation avant terme, suggèrent un ensevelissement, une conclusion avant la fin et nous conduit à cette évaluation : « avons-nous vécu » ? Répondre à une telle question exige de nous une tentative de tri entre les manifestations les plus anodines et les plus remarquables de notre vie. Il me semble que tout devrait aller pour le mieux si nous pouvions conclure les choses suivantes : entre l’ordinaire et l’extraordinaire il n’est de différence que celle de la considération qu’on leur porte. L’humilité à vivre de grandes choses est égale à l’empathie à en vivre de petites.
Commençons par redéfinir le commencement. Le microscope, la branche du sourcier, le stéthoscope, la longue vue, l’oscilloscope et tous ces engins nés d’inventions, s’ils sont des extensions de nos sens nous autorisant à mieux voir et entendre, non seulement nous permettent d’entrevoir l’inaccessible mais d’appréhender ce qui pourrait exister.
Toute chose perçue, au fond, existe forcément déjà en nous. Comme un écho, une intuition ou la compréhension d’une expérience adaptée à de nouvelles circonstances. La beauté n’est-elle pas l’identification d’une chose intimement appréciée ?

Si nous voulons donner un sens à notre vie alors c’est avec gravité qu’il nous faut approcher les choses les plus légères. Oui car pensées et émotions, joies et peines, imagination et platitude, échecs et réussites, sont faits d’un matériau de peu de poids qui pourtant peut autant nous exalter que nous écraser. Attention ! Non pas nous écraser d’une pesanteur frivole académique, celle des préjugés et des poncifs, mais par le pressoir des sensations. Celui qui nous confronte avec le paradoxe de notre identité. Ensuite renouer avec nos intentions, fondamentalement, est une question d’outillage. Remercions ces objets justement qui peuvent nous apprendre la raison de leur existence. Celle de mettre en œuvre le projet humain.
Un violon sans son musicien redevient l’objet imaginé et incongru coupable d’avoir devancé l’instant d’un air à concevoir. Il n’a plus, c’est-à-dire, il n’a pas encore d’autre fonction que celle d’offrir ce qui est encore impossible.
Un outil nous permet de construire autant le beau que le laid. Nos idées et émotions procèdent de même. Tout acte est le produit d’une conciliation entre l’idée de notre singularité, de celle du monde et de la méthode et des moyens employés. Ne nous reste qu’à procéder avec honnêteté et exactitude quant à notre appréciation de ces différents critères.

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