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UN BONHEUR DURABLE

Le bonheur est défini comme un état durable de plénitude, de satisfaction ou de sérénité ainsi qu’un état agréable et équilibré de l'esprit et du corps, d'où la souffrance, le stress, l'inquiétude et le trouble sont absents.

Sauf que rien n’est durable. Par conséquent le bonheur ne peut être une expérience durable mais bien une référence vis-à-vis de laquelle nous pouvons nous réactualiser.
Par contre considérer le bonheur comme un but mène forcément à des jugements de valeurs et à des frustrations.
Blaise Pascal suggère que si nous ne pouvons pas vivre le Bonheur nous le connaissons pour en avoir gardé les traces lors d’une période antérieure, un âge d’or ou biblique. Cela expliquerait cette obsessive quête chez certains considérants qu’un état moral émérite et l’obligation à nécessairement croire en la fiction d’un moment de l’histoire humaine supérieure à la nôtre sont la seule voie.
Spinoza décrète avec enthousiasme : « notre suprême félicité ou béatitude consiste dans la seule connaissance de Dieu. ». Voici la porte ouverte aux abus de la coercition morale. Comme la recherche d’un comportement impossible issu d’une époque imaginée est vouée à l’échec ou au mensonge d’une prétention à un nirvana permanent, nombre d’individus vont logiquement chercher dans cette exploration à se concurrencer, à se dénoncer voir s’annihiler. S’il a fallu inventer un Dieu qui puisse expliquer l’impossible tache de mettre en place un espace, un temps et des circonstances pour une vie idyllique propre à inspirer en permanence le bonheur il va de soi qu’implicitement tout individu prétendant nous faire retrouver ce pays inaccessible risque fort vite soit d’être dénoncé comme l’antéchrist, un charlatan ou comme l’élu que nul n’a su suivre, celui-ci ayant de par sa nature humaine failli à démontrer pleinement son bonheur.

Mais si un état impossible est pourtant proposé comme possible il ne l’est par conséquent que de façon inaccessible. Nous ne pourrions que l’appréhender. Mais d’où. De chercher un habitat et une époque divine suggère une opération bien vague, mais nombreux sont de vouloir le définir. Drôle d’acrobatie que chercher à définir l’indéfinissable. Pas le meilleur moyen d’accéder au bonheur. Pourtant le sentiment de bonheur existe bien en nous et nous le vivons de multiples fois de façon éphémère. Si cet état inaccessible en tant qu’état durable est néanmoins accessible de façon éphémère alors il y a un mystère. Celui d’un bonheur par définition durable qui pourtant ne se vit que de façon intermittente. Ce paradoxe est bien une des caractéristiques fondamentales de notre nature humaine. Voilà un élément bien plus quotidien. Le mystère de notre existence, celui d’aimer, celui de la mort. Le mystère de tout ce qui nous dépasse. Ainsi donc il serait bon d’accepter l’expérience du bonheur comme un paradoxe puisque semblant éternel sur le moment bien qu’éphémère.  La vie serait un paradoxe. Certes puisque nous sommes à même de concevoir l’éternité en même temps que notre mortalité. D’accepter ce qui nous dépasse serait en fait accepter le bonheur.

Nombreux sont ceux qui ne peuvent assumer un tel paradoxe. Il est vrai qu’un paradoxe ne nous permet pas de contrôler grand-chose sinon à nous inviter à chercher toujours l’équilibre entre ce qui semble être et son contraire. Ceux ne connaissant pas ce talent d’équilibriste chercheront à définir le bonheur, l’espace et le temps dans lequel il se camoufle ainsi que l’entité supérieure à même de créer ce paradoxe. Ceux-là cherchant à prétendre expliquer l’inexplicable s’élèvent au niveau d’un créateur de l’inconcevable, celui généralement désigné comme un Dieu. Pour reprendre le vocabulaire de tels zélotes il faudrait par conséquent les considérer des blasphémateurs. Ils ne peuvent définir la déité et le bonheur dans ce temps et cet espace particulier qu’en se prétendant eux-mêmes un Dieu soit en parlant en son nom. Mais puisque en tant qu’être humain cela leur est inaccessible ils commettent par autant de fois des blasphèmes.
Cet incroyable orgueil à se croire posséder un savoir divin nullement démontrable est un sacrilège qu’ils devraient prestement dénoncer. Car ceux qui accusent sont les coupables. Coupables d’accuser celui qui ne croit pas dans ce que les accusateurs ne peuvent démontrer. Est juste l’analogie de l’innocent ayant les mains pleines signifiant qu’il possède tout puisqu’il ne cherche pas à acquérir ce qui déjà lui est acquis : lui-même, le monde et son mystère. Le mystère est son Dieu. Il le vénère en le découvrant dans son regard porté sur toute chose, humble ou de grande conséquence, à l’ombre d’un caillou, à l’horizon des mers, comme au fond des yeux d’un enfant.

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