LE DÉNI
            
            Une démence élevée en culture. Celle du déni.  L’oubli devient une mémoire, la mort devient la vie et l’indifférence une  caricature de l’amour.
            
Le mal-être comme le bien-être définit nos moments charnières. La vie n’est que  transformation. Les sociétés tribales possédaient un assortiment de rituels  pour aider à ces passages de mort et de renaissance tel celui de l’enfance à la  puberté. Face aux demandes de plus en plus spécifiques qu’exige une société  productiviste, il est tentant bien que futile de tenter se calquer à ce qui  semble les attitudes appropriées de l’époque. Curieuse pantomime. De se  résigner à un rôle aussi glorieux soit-il ou au contraire de s’acharner à en  changer pour s’ajuster aux attentes d’un milieu dans lequel on gravite  constitue un danger vis-à-vis de notre identité. Difficile est l’exercice du  changement. Il demande du discernement pour ne pas sombrer dans un travestit.  Plus simple est de s’identifier à une image confirmant celle du groupe. D’être  toléré par une famille permet l’intolérance envers les autres familles. Nous  combattons en apparence le mal alors qu’en réalité nous cherchons à fuir notre mal-être.  Et quand ces faux combattants pour de fausses causes se fédèrent, légions sont  les hordes envahissant les sociétés qui n’ont su maintenir et favoriser  l’expérience d’un tissu social en expansion et en transformation. Si nous ne  pouvons témoigner du mal comme du bien-être autant en nous-mêmes qu’en notre prochain  nous perdons le sens de notre existence en transformation. Ainsi figés nous  sommes les éléments informes d’une normalité. Notre démocratie a besoin de ses  individus et non pas d’une masse sinon elle noie ses individualités et  préfigure ces autres masses, ces métastases, qui chercheront à imposer une  autre normalité que celle que nous subissons. 
Une société faible se mesure à son degré d’hystérie collective. Un peuple sans  ses individus est dépeuplé. Un peuple sans humanité n’existe plus. Moins l’individu  est flexible plus il cherche à organiser sa panique en s’associant à celle des  autres. 
Une société forte se mesure à son aptitude à fédérer la somme de ses  composantes. Démystifier ce qui nous apparaît hostile permet de le défier, le  comprendre voire l’aimer. La peur est une excitation négative. En canalisant  l’énergie de ce sentiment on ne se lie ni ne nous battons pour les mauvaises  raisons. En acceptant le lien de causalité entre son indépendance et sa  solitude l’individu dans son désir de relation avec l’autre, par l’exercice de  ses meilleures dispositions, peut épanouir son raisonnement et sa sensibilité.  Il est parfois bon de s’immerger dans l’aspect le plus négatif des événements  afin de libérer l’espace nécessaire à de véritables réponses positives.