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LE MOI SOCIAL

On fait l’amalgame des opposés, tels le collectivisme vis-à-vis de l’individualisme. De fait on sépare ce qui est inséparable. Même manchots ou borgnes nous restons entiers. Que ce soit envers le clan ou envers soi-même on ne s’imagine pas en se soumettant. L’individu lui ne peut qu’être autonome. S’il a besoin de l’autre c’est bien de cette autre autonomie. Une véritable collectivité ne peut être que celle d’individus autonomes. Une telle association d’hommes et de femmes sont la fondation d’une société reconnaissant la différence des talents de chacun et dont l’intérêt commun consiste justement à aider à construire pour ensuite partager les moyens propres à chacun. Ainsi il n’est nul besoin de se soumettre à une culture sous un prétexte de cohésion car c’est justement l’aventure de la diversité qui nous apporte une vie à la hauteur de l’inspiration qu’occasionne la totalité des individus. Une culture non plus d’en haut – cet attirail de maitres divins, pédagogues ou politiques, ni celle d’en bas – celle des peuples - cette abstraction des grands nombres  et ses bagages hystériques, mais un arbre de vie nourrissant ses fondements par ses racines et ses aspirations par ses feuilles.

Considérons la liberté. L’expérience de la liberté c’est sans doute un appel ; ce même appel que celui qu’engendre une quête, une aventure, une chasse. Pourquoi y répond-on ? Le besoin, le désir, la nécessité, le réveil ? Mais aussi une réaction à la solitude ? Fondamentalement et sans le savoir ou sans se l’avouer n’est ce pas une réaction au désespoir ? Non seulement le désespoir vis-à-vis des autres mais également celui de notre existence finissant inéluctablement vers notre mort. Nous sentons-nous avoir réussi durant le temps qui nous est imparti ? Avoir réussi quoi ? Le fait d’exister est une réussite. Cette condition remarquable est due à une exigence qui semble ne jamais se satisfaire de cet état. Nous tendons tous, bon gré mal gré, à faire face à l’imprévisible, oscillant entre réussite et échec. L’un offrant une perspective pour l’autre. Les obstacles dessinent les contours de nos chemins de réussites. La liberté, celle de créer et de suivre son chemin, est un solitaire. Est solitaire cette richesse spécifique et unique en chacun de nous. C’est solitaire que l’on distingue le mieux les autres solitudes. Une telle association constitue la meilleure des fraternités.

On ne se libère pas de son maitre par la contrainte, mais en se dominant.  Être un maitre c’est l’être de soi-même. La pulsion de la liberté est certes un don naturel mais toute pulsion n’est pas libérée. Pour combattre celui qui en veut à notre liberté, la lutte commence envers soi. Celui mené avec la perspective la plus ouverte possible. Ainsi tout adversaire, qu’il soit nous-mêmes, l’autre ou les autres en tant que système, est aussi notre égal dans un projet de liberté. Donnons-nous l’opportunité de nous élever ensemble à cette liberté car le projet consiste justement à nous libérer de l’apparence de nos antagonismes.

La présence du geôlier soulage-t-elle la solitude du prisonnier? C’est bien lui pourtant qui l’isole. La liberté est en nous. Avec les autres nous créons des liens. Nous nous attachons. Nous nous attachons même à la liberté. Étrange. Les liens et les attaches sont-ils les meilleurs instruments de la liberté? Il y a un équilibre nécessaire entre ce qui nous attache et ce qui nous libère. Les deux nous nourrissent. L’un nous construit et permet à l’autre de nous réaliser. Et ainsi de suite. Nous sommes libres de nous attacher. Encore faut-il être libre pour le faire. Être prisonniers de notre sort ne nous autorise-t-il à rien d’autre qu’à nous y attacher ? Un beau projet quand même s’il s’agit de notre vie.

Ainsi en va-t-il de la liberté comme de l’addiction. Tout désir nous propose de nous épanouir comme de nous asservir. Ces actes et ces matériaux sont les instruments de vos joies comme de vos peines et ne sont rien d’autre que les outils de votre émancipation comme de votre soumission. Seulement des outils au service de votre libre arbitre. Il n’appartient à personne d’autre de légiférer sur l’usage que vous en faites sinon quand en mettant en danger son prochain. L’oxygène nous anime. Il nous oxyde aussi. Seul vous êtes à même de mesurer votre risque à vivre. Attention à ne pas trop s’identifier au véhicule dans lequel l’on s’embarque. Qu’il nous mène à bon port puis continuons sans lui, en n’oubliant jamais que l’on commence et que l’on finit guidé par nos propres pas. Rendez donc grâce à ces outils qui vous apprennent à vous libérer d’eux.

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