UNE DISCIPLINE DE LA LIBERTÉ
Certes nombreux sont parents ou pédagogues à organiser la survie de leurs enfants. Entités précieuses qu’il faut avant tout protéger.
Mais de quoi au juste?
Sont-ils si fragiles ? Oui. Mais aussi, un enfant, c’est un avenir, une résilience hors du commun,. Alors ne les protégeons-nous pas également d’une peur ? De la nôtre ? Voilà un héritage ambigu à leur transmettre que celui de nous voir déjà défaits par la vie.
Les contes sont là pour nous parler de cette peur, et pour nous rassurer car en attendant elles restent encloses dans l’ouvrage. Celles-ci façonnent l’apprentissage de nos corps en transformation et de nos esprits en devenir. De fidèles références pour notre habilité à grandir.
Et à rêver.
Alors s’occuper d’enfants c’est commencer par ne pas les prendre pour des cons. Et pour cela faut-il soi-même cesser de donner l’exemple de nos faillites.
Car un enfant n’a pas peur d’un plus grand parce qu’il est plus grand. Sinon il aurait peur de nous tous. Non, il a peur de notre démence.
Celle, en eux, qu’ils savent déjà juguler, si on veut bien leur en donner la chance.
Ils nous attendent simplement à la croisée des jeux. Ceux de l’exercice à la vie, à la bravoure, au rire qui triomphe ou qui terrasse … à l’imagination.
De petits soldats. Forcément, ils viennent de commencer leur existence, et c’est donc la moindre des choses s’ils veulent entreprendre tous les périples de leurs futurs.
Cette détermination est également le plus beau cadeau qu’ils ont à nous offrir pour rattraper nos dérives.
Au supermarché, deux adultes demandent à leur gamin tout juste sorti du berceau ce qu’il voudrait. Le regard vide le gosse est pris de court ne sachant pas encore les règles du jeu des choix. Comment peut-il savoir ce qui lui ferait plaisir ou ce dont il a besoin alors qu’il n’a pas eu l’opportunité encore de découvrir sa relation avec ces trucs et ces bidules ? Alors il désigne n’importe quoi de façon blasée et oubliera l’histoire de ce don dans les minutes qui suivent. Je me souviens, gosse, regarder mes parents et les voir choisir les choses de la vie pour ensuite les imiter. Puis progressivement demander, suggérer l’acquisition de ce que certaines formes et couleurs pouvaient m’inspirer dans des objets rencontrés. Mais bien mieux furent ces instants où ils m’offraient la surprise d’une nouveauté. La pédagogie c’est aussi le don d’un mystère, celui d’offrir ce qui vient d’ailleurs et semble encore insaisissable. Il sera bien assez tôt pour l’enfant de ramener, à son tour, de ses excursions ses propres découvertes.
Alors initiez-les à vos limites mais pour qu’ils puissent ensuite les transgresser. C’est pourtant simple. Il suffit d’éviter d’en faire une affaire de finalité (tu verras quand tu seras grand etc.), mais plutôt de les exposer à cet exercice d’affranchissement vis-à-vis des inquiétudes ataviques de notre espèce, et ainsi les faire participer à l’émancipation dont on aimerait penser que le monde à besoin.
En contrepartie, il ne s’agit pas non plus de les déclarer libres de se prendre en main. Beau postulat, mais vous oubliez qu’ils n’ont pas le mode d’emploi et attendent de vous non pas la liberté, non pas la discipline, mais une discipline de la liberté.