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Le territoire relationnel ARCACHON ÉTÉ 1959 Je ne me souviens pas de son prénom. Nous avons 8 ans. En début et fin de journée on se retrouve sur un balcon, orné de fausses branches en ciment sculpté, reliant la chambre de ses parents à la nôtre. Grand-mère loue une des pièces durant les vacances d’été tandis que nous passons, mes parents et moi-même, le mois de juillet dans l’autre. Curieuse coïncidence bienheureuse où presque chaque année de mon enfance, à l’autre bout du balcon, je rencontrais une gosse de mon âge. Toujours une fille. Sorti de Paris et Londres je ne connais de la nature que le magique agencement des landes. Ce mot en soi résonne comme ondulation, permanence ainsi que le calme de vieilles gestations. Ces anciens marais maintenant asséchés s’enveloppent d'un sensuel linceul minéral. L’invention humaine ayant concilié l’océan avec les colonies de chênes-lièges et de pins maritimes, ce mariage rare du parfum des embruns et de la sève prédispose à la création de sanatoriums, transformant les villages en villes balnéaires internationales. Notables Bordelais et aristocrates Anglais, en venant s’aérer, vont inventer les folies d’Arcachon. Mon père et ses frères furent élevés dans cet environnement, au sein d’une jolie maison, allée des Pins, juste à l’orée de la forêt. On y entre par une clôture en bois peint avec tout de suite derrière un assemblage surréel d’alcôves en rocailles serties de coquillages et de lampes électriques. Je ne sais qui inventa ce petit monde onirique étonnant en même temps que logique, dans cette ville qui traditionnellement combinait quantité d’objets imprévus : ascenseur sur un promontoire, palmier et pins, entrelacs des chemins, bitume sur dunes, montagne de sable*, une île qui apparaît et disparaît selon les marées**, le calme du vaste bassin puis la ferveur de l’Atlantique, villes des saisons***, casino mauresque, chinoiseries et kiosks Ottomans. Il faut progresser quelques larges marches pour atteindre le logis et ensuite on peut le contourner si l’on veut rejoindre le jardin étagé qui lui, redescend en pente douce. La nuit tombe et après avoir initié ma voisine à ce monde végétal composé de l’ancien figuier, du poirier, du prunier, des acacias, des nombreuses plantes et cactées exotiques, ramenés par mon père de ses voyages, ainsi que du chemin menant à un autre, au pied d’une dune recouverte d’aiguilles de pins, permettant le ski d’été, c’est à son tour de me proposer un paysage à identifier. Encore plus inattendu celui-là. |
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