De même que nous bâtissons des abris faute de protection, l’édifice religieux sert une même fonction quand en manque de spiritualité. Plus on se perd en soi plus s’organise un havre hiérarchisé. Mais pour l’homme libre l’église, le temple, la synagogue, la mosquée, le tumulus, le menhir, ou tout espace terrestre sous la voute céleste consacre un espace depuis lequel il peut retrouver refuge dans ce qui l’associe à son mystère. L’Hermite, lui, choisit sa grotte. Chacun de nous ultimement rejoint sa place. N’existe par conséquent aucun lieu plus signifiant qu’un autre. Si un lieu se prétend être le plus manifeste ce n’est que par l’approbation du nombre. Et cela constituera une situation conflictuelle avec une autre multitude considérant ce lieu inférieur au leur. Le non croyant peut considérer paradoxalement et souvent de façon intuitive ou inconsciente que le lieu le plus sacré réside tout simplement en lui-même comme en toute chose du fait qu’il appartient à ce tout, tout autant mystérieux que ce qui le compose.
Se font plus rares ceux avouant vouloir interdire un usage du simple fait qu’eux-mêmes ont peur de sombrer dans l’addiction. Ils ne peuvent concevoir que leur faiblesse ne soit pas nécessairement celle des autres. De même ceux cherchant à interdire des actes qui les dérangent n’y voient que de la honte étant incapable d’apprécier ce qui pour d’autres constitue une justice, une attitude naturelle et l’expression d’une certaine beauté. D’avoir échoué ils veulent que les autres ne réussissent pas. De quoi se mêlent-ils et de quel droit pervers la société les a nantis du pouvoir des censeurs ? Qu’ils utilisent leur trop grande propension à juger envers eux-mêmes. La sobriété ne s’atteint pas par le prohibé mais par la vertu du discernement dont on use sur soi-même, quand calibrant notre risque à découvrir.
Certains s’évertuent à la transcendance. On a souvent vu ceux s’extasiant de quêtes et de prétendues acquisitions d’un savoir inaccessible venir s’imposer, au nom d’un final nirvanique, avec leur lot poussiéreux de dogmes, d’instruments de torture et de promesses contenues dans des tiroirs sans clefs. À chacun son état et sa méthode mais il paraît bien y avoir un malentendu à chercher la félicité. On la trouve simplement en soi.
Ceux qui prétendent connaître le bonheur, que savent-ils de la peur, de la folie, de la mort et de la douleur, ceux particulièrement qui n’ont su que les fuir ou les subir et si rarement eurent l’audace de les surmonter et s’en faire des alliés ? Leur idée du bonheur est un godemiché inlassablement astiqué pour qu’il brille du reflet de leur béatitude grotesque. Le mal-être est une information destinée à nous présenter, dans le même mouvement, nos faillites et nos opportunités. Il éduque notre discernement, nous suggère des stratégies, ainsi qu’à pratiquer notre libre arbitre. Doute et curiosité sont alors des matériaux d’investigation à combiner nécessairement en des proportions appropriées aux circonstances de la situation. Ce jeu d’équilibre nous permet d’espérer atteindre une solution aussi juste que possible. Sachant que ladite solution finira naturellement par soit engendrer une nouvelle interrogation, soit se retrouver en opposition à un autre principe de justesse.
Ce qui est juste procède de la justesse. La justesse de l’acrobate consiste en son réajustement permanent. Ce qui est juste doit s’adapter. Quand ce qui est juste reste fixe dans le temps il finit par créer des situations injustes. Tant que les lois s’accrochent à une idée fixe de la justice celles-ci seront contournées au nom d’une autre justice. La justesse des lois est inhérente à leur capacité d’adaptation. Elles se doivent par conséquent de prendre en compte les circonstances vis-à-vis desquelles elles ont été promulguées. Ces circonstances sont par exemple des situations dans lesquelles certaines personnes ou populations furent lésées au détriment d’autres. La nécessité du droit, du devoir et de l’interdit est la conséquence d’un désir de justesse pour le plus grand nombre. De même cette nécessité s’applique pour chaque individu. Manipuler la loi transforme droit et devoir en des abus et l’interdit en une tyrannie. Il suffit pour cela d’utiliser hors contexte (de temps, de circonstance, de personnes) ladite loi.