L’autoritarisme n’aspire pas tant à constamment réprimer qu’espérer obtenir du peuple son assentiment à l’être. Le populisme prétend protéger le peuple. Une façon consentie pour gouverner en maitre. Il suffit pour cela de dénoncer les injustices opprimant la population et de se proposer comme seule alternative pour les redresser. Un homme providentiel demandera l’aide de la nation pour combattre l’ennemi : autant le bouc émissaire du moment qu’un envahisseur fictif ou réel. Le peuple n’aura comme seule issue que de se résigner dans une fiction du bonheur collectif ou bien de collaborer volontairement à la mise en œuvre de ce tour de passe-passe. Toute autre alternative sera réprimée comme une forme de terrorisme ou de tentatives contre-révolutionnaire. Ces dernières années, de plus en plus nombreux sont les appels des extrême droites occidentales à la protection de la population. Les démocraties encore éveillées ambitionnent toujours de préserver les libertés individuelles tout en cherchant à installer des structures répressives antiterroristes. Ceux qui considèrent ces dérives néanmoins justifiées comme liberticides ne proposent généralement pas d’alternatives crédibles. Peu sont ceux désirant s’impliquer dans le renouveau d’un tissu social basé sur la fraternité et par une gestion naturelle collective de l’autodéfense.
Martin Niemöller, pasteur et théologien allemand, arrêté et envoyé au camp de Sachsenhausen puis transféré au camp de concentration de Dachau fut l’auteur du texte suivant : « lorsque les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste. Lorsqu’ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate. Lorsqu'ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste. Lorsqu’ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. ».
Croire que le problème des autres n’est pas le nôtre c’est refuser de comprendre notre responsabilité quant à la source des problèmes.
Non pas des milices mais un tissu communautaire connecté et vigilant.
Lors d’un raid terroriste, les forces d’interventions opèrent en se cloisonnant du peuple. On demande à celui-ci de rester docile pour d’une part mieux gérer sa protection et d’autre part ne pas gêner le déroulement de l’intervention. Si ce processus est justifié il entraine le peuple dans une logique ou elle ne participe à l’action que de façon passive voire comme spectateur du drame spectaculaire. Le rôle en particulier des médias se borne à objectivement relater les faits sans y contribuer. Certes des analyses sont faites mais en retour tout terroriste en herbe n’attend que son tour espérant un moment de notoriété en exhibant son sobriquet à travers le monde. Andy Warhol n’avait sans doute pas pensé à cet aspect de sa prédiction quant à l’hypothèse vérifiée que chacun aurait droit à son quart d’heure de célébrité.
Il pourrait en être autrement. Par exemple en encourageant la participation du plus grand nombre, mais alors gérée de façon qualitative et raisonnée, pour éviter le désordre de l’émeute, par une coordination équilibrée des différents agents concernés. Les médias, par exemple, en participant ne se borneraient pas à transformer le drame du jour en une pantomime spectaculaire – un scoop vendable – mais, avec l’appui des différents témoins et leurs outils, SMS, vidéos, appels, pourraient effectivement intervenir, à leur niveau, en fédérant confidentiellement ou publiquement selon les choix stratégiques les informations utiles à la traque des assaillants.
Ainsi l’ennemi se retrouverait cerné par le tissu de la multitude – celui-ci relié et conseillé d’une part par les professionnels – les services juridiques – les forces d’intervention – les médias - mais indépendant d’eux, et émettant, réceptionnant les infos pour des stratégies. Les différentes communautés pourraient communiquer de façon protégée par des algorithmes différents pour qu’il n’y ait pas de suivi de l’info par l’ennemi ni de manipulations ni de ragots propices à de fausses accusations.
Renouer avec un véritable tissu social éviterait les possibles milices et forces paramilitaires que l’histoire a dû subir. Il ne s’agit pas d’armer tout le monde ni de constituer des groupes d’autodéfense avec entrainement et veilles de nuit. Il est nécessaire au contraire de combattre cette propension malsaine à l’inquisition, à ces désirs de contrôles des autres - polices religieuses et autres veilleurs. Il est nécessaire de même que cesse au sein de chaque foyer et de chaque groupe d’amis ce mimodrame où chacun n’écoute que lui-même. De fait dès aujourd’hui, sans dépense supplémentaire, un nouveau paradigme peut graduellement et naturellement s’installer. Celui d’un sentiment authentique et palpable d’appartenance au genre humain, surtout pas au nom d’une idéologie mais au nom du principe naturel de coexistence pacifique riche de ses différences, de son savoir et d’une idée intelligente de l’histoire partagée, libre des certitudes et des fanatismes. Un intérêt commun au bien-être passe par un éveil de cette potentialité et pourrait nous prémunir bien plus efficacement des myriades de formes d’abus. La vie quotidienne est constituée de considérables micro-agressions. Elles sont pratiquement toutes vécues dans la solitude. Liberté – égalité et fraternité sont trois emblèmes qui méritent un profond dépoussiérage. Ont déjà été évoqués les principes d’égalité – à savoir la disposition de chacun de pouvoir exercer sa différence – de liberté, cet exercice difficile d’une conscience de soi et des autres. La fraternité, elle, n’est pas simplement une notion sympathique de bon voisinage ; elle constitue le moteur essentiel d’une vigilance collective formulée déjà depuis bientôt 230 ans lors de notre déclaration des droits de l'homme et du citoyen.