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Une lampe émet de la lumière. Plaçons devant un filtre coloré – la lumière se colore. Plaçons devant un objet opaque - la lumière projette son ombre. Plaçons un objectif entre la lumière et l’objet - l’ombre se précise – ses contours deviennent bien plus nets. Déplaçons l’objectif entre la lumière et l’objet (nous faisons une mise au point) - partie de l’objet devient flou tandis que d’autres éléments deviennent nets. Plaçons de nouveau un filtre coloré devant l’objectif – l’ombre bloquant cette couleur révèlera ce qui restera du spectre lumineux – la  complémentaire de la couleur du filtre : pour un filtre rouge nous obtenons une ombre verte sur une surface rouge.
Le filtre le plus complexe sera un jeu de couleurs et de formes : une peinture sur un film transparent ou bien une diapositive. Prenons la photo d’un acteur tout de noir vêtu et placé devant une surface blanche. Le négatif sera une silhouette blanche du même acteur sur un fond noir. La partie « blanche » du négatif est ainsi transparente et laissera passer la lumière tandis que la partie « noire » est opaque et bloquera la lumière. En projetant ce négatif sur l’acteur dans la même position, la lumière passe par la silhouette transparente de l’acteur sur le film pour se faire absorber sur la surface noire de l’acteur sur scène, tandis que la lumière périphérique à l’acteur est bloquée par la surface opaque du mur sur le film. L’image du film annule le réel. L’image du réel annule le réel. Tout disparaît sur scène … mais il suffit de décaler la position de l’image projetée et soudain apparaît du néant un fin contour lumineux de l’acteur sur scène.

En combinant toutes ces options (et bien d’autres) nous avons à portée de main et de cœur une foison de perceptions à proposer.

Je m’intéresse également aux lois communes à la photo et au graphisme.
Par exemple les principes d’ombre et de lumière, de transparence et d’opacité, se retrouvent en peinture. Projeter des visages sur du bristol et en découper les ombres permet la confection de pochoirs sophistiqués.
Mon amie Els se met sur les lèvres une colle colorée opaque puis embrasse un film plastique transparent. Je le découpe puis en fait une copie-contact, obtenant ainsi son négatif, à savoir des lèvres transparentes sur un fond noir. J’en fais un duplicata sur lequel Tamara, une partenaire artiste peint dans ces lèvres un étang, un ciel et une lune. Avec quelques additions le résultat : un visage d’Els s’étale sur six mètres – un sourire – un baiser – puis le visage disparaît laissant seul le baiser qui, de rouge, devient un paysage de nuit aux contours de lèvres. Seul reste alors le songe qu’imprime ce baiser.

Ces mêmes principes optiques fonctionnent dans la reproduction. Avec Tamara nous échangeons nos réflexions et nos idées. Elle maitrise les bases de ces techniques et ensemble nous allons apprendre les démarches plus complexes de la sérigraphie, parrainés par Clemens, grand technicien et créateur talentueux responsable d’une vaste part de l’iconographie psychédélique néerlandaise des années 60. Cet ami de Dorian va durant une nuit blanche nous galvaniser pour la création de plusieurs centaines de posters. Son atelier dispose de tout le matériel qu’il met à notre disposition gracieusement. Si de le voir nous expliquer les points essentiels, et en faire la démonstration pratique en nous faisant répéter ses gestes, semblent si faciles à absorber, c’est dû avant tout, à la maitrise de son art et à la clarté de son génie. Cette approche de « crash course » sous forme d’expérience ludique ne s’oublie pas.
Un autre outil, le photocopieur, commence à apparaître dans le champ public. C’est l’occasion de petits pèlerinages. Munis d’un assortiment d’objets et du consentement du concierge de l’université où se trouve l’appareil, je m’adonne à mes premiers essais de Copy-Art : association de plumes à encre, de petites bouteilles et de pages déchirées contenant des poèmes – assortiment de feuillages, de plumes ou de foulards se mêlant avec notre visage - tubes de peintures qui, reproduites en noir et blanc puis découpés, sont par la suite associés à de petites voitures/jouets en couleurs -  le tout photographié donnant une impression étrange où cohabite un univers plat monochrome avec celui d’un relief coloré

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