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018

Aucune des animatrices ne se préoccupe de m’instruire ce qui me convient plutôt. Si règne en moi une certaine appréhension d’un risque à me retrouver démuni d’inspiration on me laisse la liberté de mes initiatives. Il y a quand même 80 enfants de 6 à 11 ans pour 5 adultes.
L’insouciance qui règne est sans doute le produit d’une confiance pour tout nouveau venu ainsi qu’une ouverture d’esprit pour toute nouvelle approche. Soit cela marche et c’est un plus, soit cela ne marche pas et elles sauront se débrouiller, en attendant un nouveau remplaçant. Après de brèves mais cordiales présentations je choisis de m’investir directement avec les enfants.

Une petite horde de bambins m’accueillent avec ce mélange d’enthousiasme, de malice, de cruauté et de bonheur. Ils et elles dansent autour de moi, me chahutent – je suis l’étranger que l’on va sacrifier. Et moi de rire.
Heureusement car je n’en mène pas large, tout en me sentant en terrain connu – celui du bitume – univers sans limite – terrain des passions, des découvertes et des affinités - espace où tout le reste s’oublie.
Ça les interloque.
« Pourquoi tu ris ? »

« Devine »

« Parce que t’es bête »
« Parce que t’es con »
« Parce que t’es fou »

« Alors vous êtes tous bêtes et cons et fous – vous êtes tous en train de rigoler »

Et tout le monde de rire.

« Est-ce que t’es gentil ?»
« bien sûr »
« est-ce que t’es sévère ? »
« Rarement – j’essaye plutôt d’être juste et de vous expliquer – mais ça marche que si vous l’êtes aussi ».
« Oui, oui on est justes ! »

Un petit gros bras se présente.
« Est-ce que tu vas nous punir ? »
« Écoutez, faites ce qui vous plaît, du moment que cela ne me déplaise pas. »
« Comment on sait quand ça ne te plaît pas ? »
« Demandez-moi ».

Du coup, conscient de l’attention mutuelle que nous-nous portions, jamais, en me consultant, n’ont-ils eu l’impression de me demander la permission. Pendant trois ans, ensemble, ce sera une agréable surprise. Sournoiseries et malveillances, si elles ont surement eu lieu derrière mon dos, jamais ne prirent l’amplitude d’un vol ou d’une agression. Merci de cette confiance mes petits amis. Et de vos cœurs débordants. Merci surtout pour votre conscience quasi intacte – pour votre intelligence encore peu entravée. C’est rassurant.

Leur donner la responsabilité de leurs actes les initie à la notion d’un respect envers eux-mêmes, et les engage dans une compréhension de la nécessité des autres.
Partage des tâches, et déférence envers les talents composites du groupe.

À nous les multiples inventions. Puisque l’on aime chahuter et détruire : « allons découper des magazines et des livres – mais alors ensuite il faudrait réassembler les mots ou les images autrement ». Et eux de devenir des Max Ernst ou des Tristan Tzara. De ces découpages j’ai retenu ce titre : « les jardiniers de l’espace ».
Car, derrière ce désir de destruction, se profile véritablement ce besoin souverain d’anéantir ce qui nous a éloignés de notre propension naturelle à construire.
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